"Science à partir d'une feuille de papier"
par T. Tokieda
J'ai observé un curieux phénomène : j'offre un jouet en cadeau à un petit enfant, mais quand on ouvre le cadeau l'enfant n'accorde aucune attention à son contenu; en revanche, il joue, tout content, avec le papier et la boîte d'emballage... Sans doute l'avez-vous observé également ?
Nous, les scientifiques autant que le grand public, avons tendance à ne nous intéresser qu'aux parties des sciences déjà étiquetées comme «de pointe», «d'avant-garde», «à la frontière», bref comme intéressantes. Cette conférence adopte un point de vue différent : elle suggère qu'en sciences, nous commencions à retrouver les yeux d'enfant - à nous intéresser à des choses qui font un appel personnel dans nos vraies expériences, plutôt qu'à des choses auxquelles nous avons été amenés, par des médias, des idées reçues ou des agences de subvention, à croire que nous devrions nous intéresser.
Les sciences à la mode ont leur place : si elles sont à la mode, c'est souvent pour une bonne raison. Mais j'aimerais vous montrer qu'à côté de ces sciences déjà fleuries, il y a aussi des sciences en germe.
Prenons donc un objet quotidien, une feuille de papier. À partir de cette feuille, en la pliant, en la froissant, nous allons explorer une riche variété de sciences en germe, depuis des tours de passe-passe et la géométrie jusqu'à la physique de l'élasticité et de l'art japonais traditionnel d'origami. Et on s'apercevra, petit à petit, que notre exploration tourne autour d'une certaine notion, celle de rapport de Poisson.
Siméon-Denis Poisson (1781-1840) appartient à cette génération de savants formés à l'École Polytechnique où il a fait une forte impression sur ses enseignants - parmi lesquels Laplace et Lagrange.
À sa sortie de Polytechnique en 1800, il y reste comme professeur. Ses travaux mathématiques portent sur des domaines très divers, notamment appliqués à la physique : mécanique céleste, mécanique des fluides et des solides, électricité, aussi calcul des probabilités, équations aux dérivées partielles, etc.
C'est dans un mémoire de 1829 qu'est enfouie la recherche de Poisson sur son rapport. Il ne le définit pas, et lui attribue une propriété qui est fausse. Ce mémoire sera l'un des plus féconds dans l'histoire de la théorie de l'élasticité.
Dans cette conférence, il y aura des surprises, de l'ennui, des problèmes résolus, beaucoup plus de problèmes ouverts, et surtout, il y aura des «manips». Vous n'aurez rien à croire sur parole. Et vous pourrez essayer ces manips plus tard chez vous puis, j'espère, continuer à en inventer de nouvelles.
Alors, prenez une feuille de papier...
Texte : Poisson, Siméon Denis «Mémoire sur l'équilibre et le mouvement des corps élastiques». In : Mémoires de l'Académie des sciences de l'Institut de France, 1829, t.8, pp. 357-570. disponible sur Gallica http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3223j
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