SMF

Lettre au ministre à propos de l'agrégation et des DEA

Paris, le 31 mai 2001

Mireille Martin-Deschamps
Présidente

à Monsieur Jack Lang
Ministre de l'Education Nationale
110 rue de Grenelle
75007- Paris

Monsieur le Ministre,

La Société Mathématique de France a été alertée par plusieurs de ses membres au sujet d'une modification importante concernant le cursus des étudiants en mathématiques, modification qui est apparue au détour d'une Note de Service dans un récent BO.

En effet dans le BO du 12 avril 2001, Numéro 15, sous le titre :

Affectation des stagiaires lauréats de concours rentrée scolaire 2001,
NOR MENP0100737N
RLR 904-0 ; 625-0a ; 913-2
Note de service N. 2001-057 du 5/4/2001
MEN DPE C2-C3

il est précisé que le report pour études doctorales concerne uniquement les étudiants qui s'inscrivent en thèse, et non plus en DEA (Diplome d'Etudes Approfondies) ou en thèse, comme c'était le cas les années précédentes (BO du 15/06/2000, Note de service 2000-080).

Nous avons été informés oralement que cette mesure est destinée à " stopper l'hémorragie ". Il est vrai qu'un certain nombre d'agrégés qui ont pu poursuivre une formation de troisième cycle (DEA puis thèse) ne viendront jamais remplir les places de professeurs dans le second degré. Visiblement, la décision incriminée n'a pris en compte que cet apparent inconvénient. Si l'on se place d'un point de vue plus large, considérant l'ensemble de l'enseignement des mathématiques, et donc la formation des scientifiques, ingénieurs et professeurs de notre pays, la modification introduite dans cette Note est extrêmement dommageable.

En effet, d'une part, à de rares exceptions près, ne sont nommés en classes préparatoires aux grandes écoles que des agrégés qui ont complété leur formation par un DEA et souvent une thèse. Ce complément de qualification est jugé essentiel pour des professeurs sur qui repose, en définitive, la formation d'une grande partie des scientifiques et ingénieurs de notre pays !

D'autre part, le classement à l'agrégation joue aussi un rôle dans le recrutement des maîtres de conférence, puisque c'est un concours national qui donne une possibilité de comparer des étudiants ayant fait des recherches dans des domaines totalement différents et qui, comme maîtres de conférence, feront aussi de l'enseignement.

Cette mesure risque d'avoir l'effet contraire du but recherché, c'est-à-dire que les meilleurs étudiants se détournent totalement des concours de l'enseignement pour aller chercher définitivement fortune ailleurs, dans le domaine des mathématiques financières, des statistiques ou de l'informatique, éventuellement à l'étranger.

De plus, cette mesure est prise à un moment de l'année qui remet totalement en cause les projets professionnels des agrégatifs actuels. Ce changement met dans une situation particulièrement inconfortable les étudiants qui se sont engagés dans la préparation à l'agrégation en ayant comme objectif de poursuivre des études de troisième cycle après leur succès au concours . Ce plan d'étude avait le plus souvent été mûrement réfléchi en accord avec le responsable du DEA, car il ne présentait que des avantages aussi bien pour l'étudiant que pour la formation doctorale.

Enfin, cette mesure introduit une inégalité injustifiée entre les élèves des Ecoles Normales Supérieures et les autres étudiants : les élèves des ENS continuent à bénéficier d'un report de stage pour achever leur scolarité et peuvent donc préparer un DEA après l'agrégation.

Pour ces raisons, la Société Mathématique de France vous demande instamment de revenir, dès le concours 2001, aux dispositions antérieures selon lesquelles le motif de report de stage " pour effectuer des études doctorales " incluait le DEA.

Je vous prie d'agréer, monsieur le Ministre, l'expression de ma haute considération.

 

Mireille Martin-Deschamps

Copie à MM. Deloche, Deshouillers, Helffer, Lichnewsky, Mela, Puech.

Publiée le 30.05.2001