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"De l'abstraction mathématique. Avec Nicole Oresme et Nicolas Chuquet"
par Thimothy Gowers

Conférence donnée dans le cadre du cycle Le Collège à la bibliothèque.

Lorsqu’on apprend pour la première fois ce que signifie élever un nombre à une puissance, on nous dit généralement qu’élever x à la puissance n consiste à multiplier n fois x par lui-même. Par exemple, x à la puissance 3, noté x3, signifie x X x X x. Plus tard, on découvre qu’il est possible d’élever x à une puissance c qui ne doit pas être un entier positif. Mais l’explication donnée auparavant n’a alors plus de sens : on ne peut pas multiplier trois demis de fois x par lui-même, ni -4 fois. Comment, des lors, définir les puissances non entières ou négatives ?

Une réponse moderne est d’invoquer un processus d’abstraction : il ne s’agit plus de regarder la définition de l’élévation à la puissance n, mais les propriétés que cette opération satisfait, et de chercher à prolonger la définition de manière à préserver ces propriétés. J’examinerai cette approche générale des définitions mathématiques, en m’appuyant sur des textes de Nicole Oresme (1325-1382) et de Nicolas Chuquet (v.1450 - v.1495), que l’on considère souvent comme les premiers à avoir montré comment élever des nombres à des puissances fractionnaires et négatives, respectivement.

Pour donner un exemple plus moderne d’abstraction et de généralisation, j’examinerai la notion de dimension. Notre compréhension initiale est qu’un objet est unidimensionnel s’il vit dans une droite, bidimensionnel s’il vit dans un plan, et tridimensionnel s’il vit dans l’espace. Mais grâce à un processus d’abstraction, les mathématiciens parviennent à donner un sens à la notion d’objet de dimension n, pour des entiers positifs n beaucoup plus grands. De façon approximative, la dimension d’un espace est le nombre de coordonnées nécessaires pour spécifier un point de cet espace. Avec cette idée, même la notion d’espace de dimension infinie prend sens. Plus surprenant encore, un processus supplémentaire d’abstraction permet de parler d’objets dont la dimension n’est pas un entier.

 

Tim Gowers

Timothy Gowers

Titulaire de la chaire Combinatoire au Collège de France
L’algèbre a fondé son développement historique sur un processus d’abstraction. Nicole Oresme (1323–1382) et Nicolas Chuquet (1445–1488) sont considérés comme les premiers mathématiciens à avoir élevé des nombres à des puissances fractionnaires et négatives, respectivement. Pour donner un sens à ces exposants fractionnaires et négatifs, un vrai saut d’imagination s’est produit aux XIVe et XVe siècles afin d’initier le processus d’abstraction qui va de soi aux mathématiciens d’aujourd’hui.

 

La Conférence sera diffusée en direct sur la chaîne Youtube de la BnF.

Inscription et informations pratiques

 

BnF

site F-Mitterrand Grand auditorium,
hall est, quai François Mauriac,
Paris 13

18.11.2025
18:30 - 20:00
BnF, Paris BnF, Paris