Lettre commune sur la LPPR adressée à Madame la Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche
Dans ce contexte, une trentaine de sociétés savantes ont cosigné la lettre ci-dessous en vue d'alerter Madame la Ministre de L'Enseignement Supérieur et de la Recherche et de l'Innovation sur un certain nombre de points nous paraissant critiques.
Madame la Ministre,
Paris, le vendredi 5 juin 2020
A l’attention de Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation
Les sociétés savantes signataires prennent acte des annonces du Président de la République et de vous-même insistant sur l’importance de la recherche pour la société en ces temps difficiles et des annonces budgétaires s’y référant. Nous avons par ailleurs noté votre engagement à régler la question de la prolongation des contrats doctoraux et autres contrats courts du fait de l’épidémie. Nous souhaitons à ce sujet que l’État déclare de la façon la plus claire son engagement à financer ce surcoût pour tous les contrats relevant de sa compétence. Nous espérons que ceci sera mis en pratique au niveau des personnes intéressées le plus rapidement possible.
Nous souhaiterions attirer ici votre attention sur le fait qu’il serait extrêmement dommageable pour la recherche française que le budget supplémentaire envisagé vienne mettre en danger le nécessaire équilibre entre la recherche de base au long cours, principalement financée par les organismes nationaux et les Universités, et la recherche sur projets, principalement financée par l’ANR. La crise actuelle a encore une fois démontré la nécessité absolue d’un spectre le plus large possible de recherches au long terme, non seulement essentielles pour l’avancée générale des connaissances, mais également indispensables pour pouvoir être à même de répondre du mieux possible aux crises du futur dont nous ignorons tout encore et pour lesquelles la recherche sur projets ne pourra jamais fournir des réponses en temps utile. Cette indispensable recherche de base ne pourra se développer sans un accroissement significatif des moyens humains et financiers des organismes nationaux et des Universités.
Une augmentation du budget de l’ANR n’aura aucun effet sur les trois problèmes essentiels dont souffrent les laboratoires aujourd’hui ainsi que leurs directeurs et directrices viennent de vous l’écrire : le manque de personnel permanent, le manque de crédits récurrents et le manque de visibilité à moyen et long terme de leur stratégie de recherche. Ces problèmes sont liés car sans personnel permanent en nombre suffisant, sans perspectives attrayantes pour leur carrière, sans recrutement plus important de jeunes chercheuses et chercheurs, de jeunes enseignantes-chercheuses et de jeunes enseignants-chercheurs, sans attention particulière à la place des femmes dans l’ensemble du système, il n’y aura pas la possibilité de mettre en pratique une stratégie nationale de recherche à long terme.
L’objectif d’augmenter le taux de succès des appels d’offres ANR est louable mais il ne doit pas être atteint par la seule augmentation mécanique du budget de l’ANR qui par nature ne poursuit pas une politique scientifique sur le long terme, à dix ans ou plus. Une répartition plus stratégique des ressources supplémentaires permettrait d’augmenter ce taux de succès en baissant le nombre de projets soumis, puisque nombre d’entre eux s’inscriraient alors dans les politiques scientifiques financées par les grands organismes nationaux et les universités. Ceci permettrait en outre de diminuer le temps beaucoup trop important passé aujourd’hui par les chercheuses et les chercheurs pour le montage, la gestion ou l’évaluation de projets à court terme au lieu de se consacrer à la recherche proprement dite.
Dans le cadre de l’impulsion que le gouvernement a déclaré vouloir donner en faveur de la recherche, il nous paraît indispensable que ces remarques soient prises en compte et nous serions heureux de pouvoir les développer directement avec vous.
Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre considération distinguée.
Association Française d'Ethnologie et d'Anthropologie
Association des Historiens contemporanéistes de l’ESR
Association des Professeurs d'Archéologie et d'Histoire de l'Art des Universités
Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie
Association Femmes et Sciences
Association Française de Mécanique
Association Française de Sociologie
Comité d'Information et de Liaison pour l'Archéologie, l'étude et la mise en valeur du patrimoine industriel
Comité National Français de Géographie
Société Botanique de France
Société Chimique de France
Société d'Etudes Anglo-Américaines des XVIIe et XVIIIe siècles
Société Française d'Astronomie et d'Astrophysique
Société Française de Biologie du Développement
Société Française de Biophysique
Société Française d’Écologie et d’Évolution
Société Française de Génétique
Société Française des Microscopies
Société Française de la Neutronique
Société Française d’Optique
Société Française de Physique
Société Française de Psychologie
Société des Historiens Médiévistes de l'Enseignement Supérieur Public
Société Mathématique de France
Société des Professeurs d’Histoire ancienne de l’Université
Société Informatique de France
Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles
Société de Sociologie du Sport de Langue Française
La liste des sociétés savantes signataires sera mise à jour en temps réel sur ce lien.
Cette lettre a été envoyée en copie aux principaux acteurs de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche ainsi qu’aux conseillers de l’Élysée et de Matignon : Philippe Baptiste (Conseiller Premier Ministre) Gilles Bloch (INSERM) Thierry Coulhon (Conseiller Président République) Frédéric Dardel (MESRI) François Jacq (CEA) Gérard Longuet (OPECST) Philippe Mauguin (INRA Antoine Petit (CNRS) Gilles Roussel (CPU) Ali Saib (MESRI) Bruno Sportisse (INRIA) Cédric Villani (OPECST) AEF – CNESER