Réaction au programme de mathématiques de première
Les associations et sociétés savantes de mathématiques ont été sollicitées pour apporter leur regard sur le projet de programme de mathématiques pour le nouveau module « Enseignement scientifique et mathématique » du tronc commun de première au lycée général, paru le 12 mai 2022[1]. La SMF et la SFdS publient leur réponse à cette demande :
Ce projet de programme élaboré dans l’urgence en 7 semaines ne permet pas de répondre aux questions posées par les carences de formation du lycée général :
- Il présente un catalogue sans cohérence globale, constitué de propositions qui ne prennent en compte ni la nécessité de considérer les mathématiques comme objet d’étude pour elles-mêmes, ni réellement les besoins mathématiques en sciences économiques et sociales et en sciences humaines, absents également des contenus de l’enseignement de spécialité mathématiques de première.
- La quantité de thèmes abordés est inadaptée à l’horaire prévu de 1h30 hebdomadaire, largement insuffisant pour permettre l‘acquisition de l’ensemble des compétences mathématiques visées.
Par ailleurs, certains points semblent problématiques au sujet de la finalité de cet enseignement :
- L’absence d’enseignement propre, indépendant de l’enseignement scientifique général, met en question la polyvalence du diplôme du baccalauréat, ne pouvant évaluer les compétences mathématiques de manière indépendante des autres sciences. L’accès aux études à l’étranger peut donc se trouver limité.
- Le prétendu accès possible à l’option maths complémentaires en terminale est un leurre ou un chemin vers l’échec assuré, puisque cette option sera accessible également aux élèves ayant suivi la spécialité maths en première de 4h hebdomadaire.
- Le traitement de la question de la réduction des inégalités filles/garçons montre la méconnaissance profonde des rédacteurs sur ce sujet, dont certains propos pourraient même paraître choquants.
Enfin, la crise aigüe qui touche actuellement le métier d’enseignant, ajoutée à la mise en place d’une réforme du concours de recrutement en fin de 2e année de master, conduit cette année à une situation inédite, avec un nombre de candidats admissibles largement inférieur au nombre de postes ouverts au concours[2] (816 admissibles pour 1035 postes). Les postes non pourvus ne pourront pas être compensés par les stages des étudiants de 2e année de master, trop peu nombreux à demander l’alternance. Une mise en œuvre de cet enseignement dès la rentrée 2022 semble donc également problématique du point de vue des ressources humaines. Elle conduirait inévitablement à de grandes inégalités d’offre et de nouvelles tensions pour les enseignants en poste.
Pour conclure, la SMF, comme l’ensemble des autres sociétés savantes et associations de mathématiques, s’oppose à la mise en place précipitée de ce programme pour la rentrée 2022, et demande de réfléchir à une remise à plat de la structure du lycée général pour identifier des solutions constructives aux problèmes plus généraux posés par la réforme[3].
La mise en place d’un groupe de travail avec les acteurs de l’enseignement et les spécialistes issus de la communauté scientifique, puis la prise en compte des propositions de ces experts pourra permettre de construire une offre de formation mathématique et scientifique pour tous et toutes et à la hauteur des défis à venir.