Grothendieck et le Problème du Mal, écrits tardifs
par Leila Schneps
Durant les dernières décennies de sa vie, Grothendieck prend une conscience de plus en plus aiguë et douloureuse d'un trait fondamental de l'existence humaine qu'il explore sans cesse jusqu'à la fin de sa vie : pourquoi le Mal existe- t-il ? Il ne s'agit pas ici de ces formes de violence nue qui existent dans la Nature ; ce qui le taraude, c'est une violence presque invisible, dissimulée au cœur de mots et d'actes qui au premier regard apparaissent aussi inoffensifs que naturels, une violence qu'il décrit comme « sans cause et sans haine » et qui constitue un trait spécifique de l'être humain. Des décennies durant il explorera les raisons possibles pour l'existence de cette forme du Mal, parcourant un chemin qui le mène de l'examen des failles profondes qui fissurent l'être humain, en partie du fait des exigences de la société moderne, jusqu'à l'existence d'une source extérieure du Mal, opposée à Dieu mais tolérée et permise par Lui pendant un temps que Grothendieck, de toutes ses forces, espère et veut croire finie.
"Grothendieck, mathématicien et militant", journée d'étude