Mot du president
Pour des raisons exceptionnelles, le traditionnel "Mot du Président" a été rédigé par l'ensemble du bureau de la SMF.
Nous nous voyons contraints de revenir sur le sujet des nouvelles orientations prises par l'Institut Henri Poincaré. Vous trouverez en "Courrier des lecteurs" un texte de Cédric Villani, actuel directeur de l'IHP, dont le ton extrêmement conciliant ne saurait effacer le caractère brutal de la décision prise à l'encontre des associations de mathématiques, lors du dernier Conseil d'Administration de l'IHP ; vous noterez aussi qu'aucun compromis n'est proposé dans cette lettre pour revenir, même partiellement, sur ce qui a été décidé.
Rappelons les faits : à l'automne, l'université Pierre et Marie Curie (Paris 6) a demandé au directeur de l'IHP que les redevances que nous payons, dont le but a toujours été de couvrir les frais que nous occasionnons à l'IHP, soient augmentées d'un facteur presque 5 sur deux ans pour devenir comparables au prix d'un loyer. La méthode utilisée pour prendre cette décision inaugure une rupture inquiétante avec des traditions qui faisaient la force de notre communauté : particulièrement soudés, les mathématiciens pratiquaient toujours la concertation avant que des décisions importantes ne soient prises. Dans le cas présent, les associations de mathématiques ont été prises de court : la formulation du point correspondant de l'ordre du jour du CA "évolution des conventions d'hébergement" ne permettait en aucun cas d'imaginer ce qu'il recouvrait. Les associations ou bien n'ont pas été averties qu'il s'agirait en fait d'une telle augmentation, ou ne l'ont été que soixante douze heures auparavant, ce qui ne leur permettait pas de se concerter, et de pouvoir réagir en conséquence. Le refus d'un report de six mois de cette décision, demandé lors du CA pour permettre une concertation, était tout aussi choquant. On peut d'ailleurs s'interroger sur la légalité des décisions prises par le dernier CA de l'IHP : de l'aveu même de son directeur, la composition de ce CA était entachée de fortes irrégularités : membres élus ayant dépassé la fin de leur mandat, et représentants d'institutions qui n'en étaient plus membres. En tout état de cause, il serait plus sage d'accepter que ces questions soient rediscutées, puis qu'un compromis soit trouvé, et finalement voté par un futur CA dont la validité ne serait pas sujette à caution.
De combien serait cette augmentation pour la SMF ? Voici les chiffres bruts tels qu'ils viennent de nous être donnés dans la nouvelle convention que la direction de l'IHP nous demande de signer : nos redevances vont passer de 4.600 à 20.000 euros par an. Si aucun compromis n'est trouvé, il appartiendra au CA de la SMF de décider comment cette nouvelle dépense de 15 400 euros pourra être financée. Cependant, il ne nous semble pas raisonnable de la répercuter sur les adhérents. Une solution de dernier recours serait d'augmenter le prix de nos publications, mais nous sommes bien conscients que la communauté mathématique apprécie grandement le fait que, éditeur académique à but non lucratif, la SMF pratique pour ses publications des prix nettement en-dessous du marché. Il n'est sans doute pas inutile de rappeler par ailleurs que la SMF contribue déjà au financement du CIRM (il est difficile de chiffrer exactement ce financement, qui se fait de façon indirecte, mais pour 2009, il se situe entre 5000 et 10000 euros). Une tentative d'augmentation similaire s'était heurtée dans le passé à l'opposition du président du CA de l'IHP, pour des raisons de principe touchant aux missions de cet institut. Elles sont exprimées avec une clarté lumineuse dans le PV du CA du 27 novembre 2001, cité en annexe, et qui montre que la vison idyllique du rôle de l'UPMC que le directeur actuel de l'IHP présente dans le passé n'est malheureusement pas conforme à la réalité. Derrière la question purement financière, se cache donc clairement une volonté de changement des missions de l'IHP ; elle semble d'ailleurs assumée par son directeur actuel, qui n'hésite pas à écrire que le Centre Emile Borel (trimestres thématiques) est la "mission principale" de l'IHP, et à en tirer toutes les conséquences. Il se trouve ainsi en accord avec le président de l'UPMC, qui, dans un récent message aux membres de l'UFR de Mathématiques de son université, minimisait autant que possible la mission d'hébergement des sociétés de mathématiques :
"L'hébergement des sociétés savantes à l'IHP n'est pas spécifiquement dans les missions de l'IHP et ne se justifie que dans la mesure où elles contribuent aux missions de l'IHP. Il s'agit en l'occurrence principalement de la sixième et dernière mission mentionnée dans l'article 1.2 des statuts : assurer la diffusion d'information sur les activités scientifiques relatives aux disciplines."
Les membres de la SMF apprécieront la vision extrêmement réductrice du rôle ainsi attribué à leur association.
Rappelons brièvement les raisons que le directeur de l'IHP nous a fournies pour motiver cette augmentation :
- Notre participation actuelle aux charges communes ne correspondrait pas à ce que nous coûtons. Nous sommes prêts à entendre un tel argument, si l'on nous présente des justificatifs convaincants, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent.
- Une telle augmentation créerait une "pression" qui pousserait nos associations à se serrer, voire à partir, afin de faire de la place au centre Emile Borel. Au-delà de l'aspect moralement et pratiquement contestable d'un tel argument "économique" (les associations ayant le moins de moyens seraient-elles nécessairement celles dont la présence est la moins utile à la communauté mathématique ?), le directeur de l'IHP a reconnu implicitement qu'il ne croit pas à l'efficacité de la méthode "incitative" au moyen des hausses de tarifs : en effet, dans un courrier récent adressé à nos associations, il leur demande de toute façon de libérer la moitié de la surface qu'elles occupent.
- Il reconnaît que le déficit de l'IHP ne sera absolument pas réglé par l'augmentation des taxes d'hébergement.
En effet, ce dernier problème ne peut être résolu de façon viable que par une forte augmentation des subventions de l'IHP. De fait, une telle augmentation a eu lieu cette année, de la part du CNRS. Cette augmentation, dont nous nous félicitons, pouvait être l'occasion d'une solution de compromis que nous avons proposée : parmi les motivations de son augmentation, le CNRS mentionnerait le fait qu'il prend partiellement en charge l'hébergement des sociétés savantes, puisque leurs activités entrent explicitement dans les missions de l'INSMI, et aussi dans les missions nationales de l'IHP. Nous sommes toujours dans l'attente d'une réponse à cette proposition.
Le directeur de l'IHP met en avant le manque de place pour le Centre Emile Borel : personne ne le nie, mais nous dénonçons ici encore l'absence de concertation ; à aucun moment, une réflexion commune n'a été proposée à nos associations par la direction de l'IHP pour envisager ensemble une meilleure occupation de l'espace, grâce à des mutualisations, des rationalisations, voire des travaux,... Le minimum serait donc qu'une commission de concertation soit mise en place sur ce sujet, incluant des représentants de nos associations et des membres du CA de l'IHP, et qu'on laisse à cette commission une chance d'arriver à un compromis qui satisfasse chacune des parties.
Au-delà de ces questions, des problèmes cruciaux concernant l'avenir de l'IHP commencent à émerger. La communauté mathématique ne peut se contenter de quelques phrases rassurantes concernant la bonne volonté de chacun. Conséquence de la loi LRU, la "dévolution" des locaux des universités parisiennes (c'est-à-dire l'attribution de leurs locaux en pleine possession à chaque établissement) va être l'occasion d'âpres débats et de rapports de force, qui ont déjà commencé. Il est indispensable que l'IHP puisse s'étendre, sans que le développement souhaitable du Centre Emile Borel ne se fasse pas au détriment des autres missions de l'IHP ; en effet, son rôle est primordial pour notre communauté et la présence commune des associations de mathématiques dans ses locaux contribue à en faire bien plus qu'un centre de conférences et de trimestres thématiques, mais un lieu unique qui est ressenti par notre communauté comme étant pleinement la "maison des mathématiciens". La seule extension possible pour l'IHP dans sa proximité immédiate est dans le bâtiment "Chimie-Physique" voisin qui va être libéré par l'UPMC. L'INSMI (ou une autre entité ?) est-il prêt à se mettre clairement sur les rangs pour le réclamer ? Les événements liés au dernier CA mettent à jour des questions fondamentales pour nous : les missions nationales de l'IHP resteront-elles compatibles avec le statut d'une école interne de l'UPMC dans le nouveau contexte de l'autonomie des universités ? La discussion autour de ces interrogations ne peut rester confinée au sein d'un petit groupe de responsables nommés, quelle que soit leur bonne volonté. L'IHP joue un rôle central dans la vie mathématique française, et notre communauté dans son ensemble doit être saisie de ces problèmes, et doit pouvoir donner son sentiment, notamment à travers les Sociétés Savantes, qui la représentent.
Nous espérons que notre appel à une vraie concertation ne sera pas vain, mais permettra de renouer les excellentes relations que les sociétés savantes ont toujours développées avec les précédentes directions de l'IHP.
Le 31 mars 2010
Le Bureau de la SMF : J.-M. Barbaroux, B. Helffer, F. Germinet, V. Girardin, M. Granger, S. Jaffard, P. Loidreau, E. Russ, M. Vigué
Annexe : extrait du PV du CA de l'IHP du 27 novembre 2001
Point V1 : Loyer des sociétés savantes hébergées
La lettre 13/VG/20.11.01 du président le l'UPMC concernant les projets d'avenant aux conventions d'associations hébergées à l'IHP est lue par B. Teissier aux membres du conseil. Le président de l'UPMC demande en substance le doublement des loyers des sociétés savantes hébergées au motif que leur accueil ne relève pas des missions de l'université.
L. Abouaf précise que l'UPMC a entrepris de mettre à jour les tarifs d'hébergement d'organismes dont les missions n'entrent pas dans celles de l'université. La mesure n'est pas dirigée contre l'IHP.
B. Teissier rappelle que le problème est que l'hébergement des sociétés savantes en mathématiques ou en physique ressort précisément des missions confiées à l'IHP et donc à l'université.
E. Gouin Lamourette suggère au Conseil, an de supprimer toute ambiguïté, de supprimer dans toutes les conventions la référence aux "loyers" pour les remplacer par une "contribution ou participation aux charges communes".
Le conseil adopte la proposition à l'unanimité des membres présents ou représentés et se prononce pour le maintien du montant des participations financières des sociétés savantes à leur niveau actuel.