Assises des Mathématiques : « 15 actions » sans parité ?
Assises des Mathématiques : « 15 actions » sans parité ?
Le 27 septembre 2023, l’INSMI a rendu publics les actes des Assises des mathématiques synthétisées par la présentation de "15 actions pour une stratégie nationale en direction des mathématiques" avec le soutien du CNRS et de France Universités. Les associations et sociétés savantes de mathématiques (ARDM, Femmes et Mathématiques, SFdS, SMF) saluent la qualité et la pertinence du travail collectif réalisé pour la tenue des Assises. Mais elles regrettent que les actes et leurs « 15 actions », non signés et non relus par les pairs, ne reflètent pas objectivement le travail produit et aboutissent à un texte déséquilibré qui oublie ou déforme des propos essentiels. En particulier, l’absence de mention des problèmes de parité ne correspond pas à nos préoccupations actuelles sur ce sujet.
Les Assises des Mathématiques se sont déroulées au siège de l’Unesco en novembre 2022. Cet événement décidé fin 2021 était destiné à présenter publiquement un panorama des mathématiques en France. Il s’appuie sur le travail d’évaluation de la discipline entrepris en 2020 par l’HCERES dont le rapport de synthèse remis à l’occasion des Assises est le résultat de plus de 2 années d’un travail remarquable du comité des mathématiciennes et mathématiciens en charge du projet. Il donne un état des lieux général de la discipline du point de vue de l’enseignement supérieur et de la recherche en France, de son rayonnement économique et de ses interactions avec la société. Pour la préparation des Assises, des groupes de travail impliquant de nombreuses mathématiciennes et mathématiciens, mais aussi scientifiques, chercheurs et chercheuses, responsables du monde économique ou politique, personnalités de la société civile reprennent l’ensemble des sujets abordés : les liens avec l’entreprise, avec les autres disciplines, avec la société, les carrières et les problèmes de parité et de diversité sociale, l’enseignement, le financement et l’avenir. Nous avons été naturellement été invitées à participer aux échanges lors de la préparation de ces travaux. Nous sommes reconnaissants à l’INSMI pour le travail accompli ayant permis la tenue de cet événement important pour rendre visible le rôle de notre communauté auprès de la société, et saluons le travail effectué par le directeur des Assises pour coordonner ce projet d’envergure, ainsi que celui de toutes les personnes engagées pour leur temps donné au service de la communauté, la qualité des rapports d’expertises publiés dans les travaux préparatoires en janvier 2023.
Nous nous étonnons d’autant plus du choix de l’INSMI de publier des actes et « 15 actions » afférentes qui reflètent de manière ni objective ni équilibrée, les sujets étudiés et débattus.
En particulier, l’absence de mention des problèmes de parité, incontournables dans notre discipline, et particulièrement en France[1], est incompréhensible : avec seulement 22% de femmes parmi les enseignants-chercheurs et la chute de la part des filles dans les classes de mathématiques au lycée depuis la réforme de 2019, la parité a été un thème récurrent dans les discussions en table ronde lors des Assises. Ce point apparaît aussi bien dans le rapport de l’HCERES que dans les travaux préparatoires ou les actes, qui alertent sur les dangers à terme de l’absence de politique volontariste dans ce domaine.
Qu’aucune des alertes de l’HCERES[2] ou des propositions des travaux préparatoires[3] n’ait été relayée, qu’aucun terme féminin ne figure dans les propositions diffuse un message qui ne correspond pas aux préoccupations actuelles de la communauté mathématique, et de nos sociétés savantes en particulier.
Il aurait été souhaitable de pouvoir, en amont de la publication, transmettre cette observation parmi d’autres directement aux rédacteurs des actes. L’impossibilité de relecture et l’absence de signataires de ce document a rendu cette démarche irréalisable. Le manque de transparence dans le processus de décision n’a permis ni de clarifier, ni de discuter des critères ayant conduit au choix des « 15 actions » parmi l’ensemble de toutes les propositions effectuées dans les travaux préparatoires. S’il n’y a aucun doute sur l’engagement de l’INSMI pour mettre en lumière le rôle de notre discipline dans la société, la méthode employée qui a conduit à une retranscription biaisée et déséquilibrée des travaux et réflexions collectifs, questionne.
Il est indispensable actuellement au sein de la communauté mathématique, de coopérer et de s’engager pour des actions réelles en faveur de la diversité et de la parité.
Les associations signataires :
Association pour la Recherche en Didactique des Mathématiques (ARDM)
Femmes et Mathématiques (F&M)
Société Française de Statistiques (SFdS)
Société Mathématique de France (SMF)
[1] Extrait du rapport de l’HCERES sur les mathématiques Vol 1, P.70 : « sur la question du genre, la France régresse dans le paysage des mathématiques mondiales » ; P.74 : » L’ampleur et la persistance du déséquilibre femmes-hommes au sein des mathématiques, sans réelle perspective d’inflexion des courbes à court terme, impose de se poser des questions[…] »
[2] Rapport HECRES Vol. 1, P.73, extrait de la recommandation 20 : « Fixer à moyen terme des objectifs chiffrés et les moyens de les atteindre » ; extrait de la conclusion P.74 : « Après 30 ans de prise de conscience, la communauté mathématique doit définir une politique et une stratégie claires sur les questions de parité, puis les proposer aux pouvoirs publics. »
[3] Travaux préparatoires aux Assises, propositions IV.5 à IV.8.