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Chute des effectifs scientifiques de terminale : impacts de la réforme du lycée

Communiqué du Collectif Maths&Sciences*, avec le soutien de NUMEUM et Talents du Numérique

Cette note a pour objectif de montrer l’évolution de la répartition des élèves de terminale suivant un cursus scientifique et celle de leur formation en mathématiques depuis la réforme du lycée et de proposer des pistes d’analyse des baisses observées. Les propositions de solutions feront l’objet de publications ultérieures.

 

La réforme du lycée en 2019 s’inscrit dans un contexte d’une forte demande de compétences scientifiques de haut niveau par le monde socio-économique dans les années à venir : les profils les plus recherchés sont les STEM et les besoins de profils plus larges en lien avec les questions du climat, des ressources et de l’énergie, de la biodiversité, de la santé s’accroissent ; le rebond économique post-crise Covid accentue l’ensemble des demandes. Certains secteurs annoncent des besoins de l’ordre de 50 000 emplois de niveau ingénieur par an, alors qu’on en forme actuellement environ 33 000. La pénurie de recrutements au niveau ingénieur, particulièrement en informatique, est renforcée par une forte demande de techniciens supérieurs dans les secteurs d’emploi de la production

Cette tension globale sur l’emploi scientifique est à mettre en regard de la faible capacité d’encadrement des universités françaises, que le manque de moyens récurrents conduit à diminuer le nombre d’enseignants-chercheurs titulaires. Ces difficultés sont accentuées par le fort accroissement du nombre d’étudiants dans les universités depuis une décennie 

En amont, l’enseignement secondaire souffre d’une crise des vocations qui se traduit par un déficit croissant de candidats aux concours de l’enseignement secondaire depuis plus de 20 ans. En cette rentrée 2022, la réforme de ces concours rend le problème critique avec un manque de plusieurs milliers d’enseignants qualifiés.

 

Dans ce contexte peu propice à l’inversion de ces tendances à court terme, nous examinons l’effet de la récente réforme du lycée sur la formation des élèves en sciences, tant en nombre d’élèves formés, en niveau de mathématiques atteint qu’en qualité de formation scientifique.

Effectifs en terminale générale : quelle évolution des effectifs scientifiques depuis la réforme ?

Les élèves à profil scientifique sont les élèves de terminale S en 2019, puis les élèves suivant 2 spécialités scientifiques (choisies parmi Maths, NSI, PC, SI, SVT) en 2020 et 2021. Les graphiques 1 et 2 montrent l’évolution de l’effectif global des élèves en terminale au lycée général et des élèves scientifiques. Leur analyse indique que 2 ans après la réforme, le nombre d’élèves de terminale est resté quasiment stable (1), mais que l’effectif des élèves à profil scientifique a chuté de 24% (2).

 

Zoom sur les mathématiques : quel volume de formation pour les élèves scientifiques de terminale ?

Avant la réforme, tous les élèves scientifiques suivaient 6h ou 8h de mathématiques hebdomadaires selon leur choix de spécialité. Après la réforme, les élèves à profil scientifique bénéficient, à l’aide de deux options de mathématiques en 

plus de leur cursus, d’un enseignement de mathématiques hebdomadaire de 0, 3, 6 ou 9h. Les graphiques (3), (4) et (5) montrent l’évolution de la répartition de ces parcours parmi les élèves à profil scientifique. On constate, pour les élèves scientifiques depuis la réforme :

  • une baisse de 12% du nombre d’élèves suivant 8h de maths ou plus (3), passant de 49 000 à 43 000 élèves environ ;
  • une baisse de 50% du nombre d’élèves suivant 6h de maths ou plus (3+4), passant de 200 000 à 100 000 élèves environ ; parmi eux, une baisse de 60% des élèves suivant 6h de maths hebdomadaires (4) ;
  • l’apparition de 50 000 élèves scientifiques suivant 3h de maths ou moins (5), dont 13 000 ne font plus de maths.

 

Quelques pistes d’analyse des baisses observées :

  • La quasi-absence de sciences dans le tronc commun : le choix de disciplines scientifiques est donc limité aux spécialités, ce qui peut expliquer la diminution des effectifs des profils scientifiques.
  • Le statut d’option des cours de mathématiques de terminale maths complémentaires et maths expertes : ces heures sont exclues du cursus standard. Elles engendrent une inégalité d’offre dépendant du budget et de la politique de l’établissement et non du choix de l’élève. Leur caractère facultatif entraîne une réduction des effectifs des profils scientifiques à forte dominante mathématique. Leur statut d’option est contradictoire avec leur rôle déterminant pour l’orientation vers de nombreuses filières du supérieur.
  • La politique et le discours du libre choix : ils sont contradictoires avec la promotion des orientations scientifiques et l’information sur les choix nécessaires à faire pour permettre de favoriser la réussite d’études supérieures en sciences. L’annonce d’ajout de 1h30 de maths en première risque d’aggraver la situation actuelle.

Conclusion : quels effets de la structure du lycée actuel sur les profils scientifiques en terminale ?

Alors que les besoins en emplois nécessitant une formation scientifique augmentent, toutes les assiettes des profils scientifiques diminuent, et les seuls pouvant garder 3 sciences n’ont plus que 3h de maths (5) :

Diminution de près de 25% des effectifs des élèves à profils scientifiques :

200 000 élèves scientifiques en 2019 (2) ;

Seulement 150 000 en 2021 (2).

Chute de 50% du nombre d’élèves scientifiques suivant 6h ou plus de maths par semaine :

200 000 élèves en 2019 (3+4) ;

Seulement 100 000 élèves en 2021 (effectifs 3+4).

Déficit d’élèves fortement formés en maths pour les besoins d’ingénieurs :

Près de 50 000 élèves en 2019 (3) pour 33 000 ingénieurs formés ;

Seulement 43 000 élèves en 2021 (3) pour 50 000 ingénieurs attendus.

 

*Le Collectif Maths&Sciences rassemble les associations et sociétés savantes :

associations des professeurs du second degré et des classes préparatoires aux grandes écoles : AEIF, APHEC, APMEP, EPI, UdPPC, UPA ;sociétés savantes et associations scientifiques de chercheurs et enseignants-chercheurs : ADIREM, ARDM, CLEA, CFEM, CNFHPST, GEM, SF2A, SFB, SFB, SFBD, SFE2, SFdS, SFP, SHST, SIF, SMAI, SMF ; associations pour promouvoir la place des femmes dans les filières et métiers scientifiques : Femmes et Maths, Femmes Ingénieures, Femmes et Sciences

 

L’ensemble des documents et analyses du Collectif est disponible en ligne :

https://smf.emath.fr/smf-dossiers-et-ressources/dossiercommuniquesreformemathssciences-collection

 

Publiée le 13.09.2022