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De quel côté êtes-vous, les mathématiciens ?
Tribune par Anatoly Vershik

Le mathématicien Anatoly Vershik, de Saint-Pétersbourg, interpelle les scientifiques et artistes russes sur leur responsabilités vis-à-vis de l’agression russe en Ukraine. Nous reproduisons avec sa permission la tribune suivante tirée de sa page Facebook (réécriture de la traduction automatique). Le professeur Vershik nous signale un autre texte qu’il a écrit sur le sens de cette guerre (Guerre entre ordres mondiaux - un futur digne).

TRIBUNE: С КЕМ ВЫ, МАТЕМАТИКИ?

Le mathématicien Anatoly Vershik, de Saint-Pétersbourg, interpelle les scientifiques et artistes russes sur leur responsabilités vis-à-vis de l’agression russe en Ukraine. Nous reproduisons avec sa permission la tribune suivante tirée de sa page Facebook (réécriture de la traduction automatique). Le professeur Vershik nous signale un autre texte qu’il a écrit sur le sens de cette guerre (Guerre entre ordres mondiaux - un futur digne).

 

Note : ce texte est issu d’une traduction automatisée. Relecture et. intertitres ajoutés par la rédaction. Le texte original (en russe) se trouve ci-dessous.

 

De quel côté êtes-vous, les mathématiciens ?

Cette question semble n'avoir aucun sens - Participer aux conflits politiques, savoir pour qui voter et qui soutenir, etc., sont le plus souvent des questions futiles que les mathématiciens n'aiment pas. Une question similaire a été posée de façon démagogique aux libéraux occidentaux par Maxime Gorki il y a exactement 90 ans dans son livre " Avec qui êtes-vous, maîtres de la culture ? " À l’époque leur attitude envers le système soviétique avait plutôt un caractère académique.

De toute façon, le caractère de l'attitude des mathématiciens face à la tenue du prochain ICM à St. Petersbourg en juillet de cette année est tout sauf académique.

Lorsqu'en 2017, quelques-uns de mes amis mathématiciens ont commencé à discuter avec enthousiasme de l'idée de tenir le Congrès International des Mathématiciens 2022 à Saint-Pétersbourg, je leur ai expliqué à plusieurs reprises que c'était une mauvaise idée. Un pays qui venait (en 2014) de commettre une terrible erreur sur instruction de ses dirigeants et menait une politique étrangère et intérieure clairement dangereuse ne s'en tiendrait pas là et poursuivrait sur ce chemin. Mais, bien sûr, je n'imaginais pas alors que cela déboucherait sur une guerre ouverte.

Par conséquent, lorsque l'Union mathématique a décidé en 2018  de tenir le Congrès à Saint-Pétersbourg (plutôt qu’à Paris), j'ai écrit que mon point de vue était inchangé, que je ne participerai pas à l'organisation du Congrès mais que je ne m'interfererai pas. Quelque temps avant la décision, j'avais eu une conversation intéressante avec C. Villani (alors directeur de l'Institut Poincaré [et un personnage important dans la hiérarchie scientifique française]), dans laquelle nous nous étions tombé d'accord sur l'importance de choisir Paris. Mais les promesses d'un représentant du gouvernement russe venu participer à la réunion du Comité exécutif du Conseil international sur les avantages de choisir Saint-Pétersbourg, l’avait emporté. Plus tard, j'ai participé activement à la défense du cas d'Azat ​​Miftakhov, un jeune mathématicien illégalement condamné à 6 ans de prison. Il semblait qu'il serait avantageux pour nos autorités, dans l'intérêt de la tenue du Congrès, de répondre aux demandes des nombreux scientifiques, étrangers pour la plupart, qui ont défendu Azat. Mais lettres et appels sont restés sans réponse. Malgré cela, je n'ai pas participé aux discussions sur le boycott du Congrès.

Et voici le dénouement. Je n'étais pas encore au courant de la décision d'annuler le Congrès à Saint-Pétersbourg lorsque j'ai écrit mon post pour Facebook (24 février 2022) : l'annulation ou le transfert du Congrès était rendu nécessaire par l'agression. Je ne sais pas qui, au sein du comité exécutif de l'Union mathématique, a été le premier à le réaliser.

Allons-nous nous taire ?

Mais dorénavant cette question est devenue secondaire et nous devons discuter mais d'une question complètement différente - de savoir si nous (mathématiciens, scientifiques) allons nous taire sur la guerre qui se déroule en Ukraine : avec qui sommes-nous et contre qui ? Dire : « Nous sommes contre la guerre » ou « Il faut mettre fin à l'opération spéciale », c'est ne rien dire quand une telle affirmation ignore le caractère asymétrique du massacre qui se déroule en ce moment.

Il est difficile de discuter de l'avenir des pays impliqués. Il est même assez dangereux de parler franchement. Cependant, j'insiste sur le fait que je ne parle pas ici des simples " consommateurs passifs ”  soumis au lavage de cerveau de la propagande officielle, mais des personnalités culturelles et des scientifiques qui ont un certain respect d’eux-mêmes et ne veulent pas devoir bientôt chercher des excuses pour leur silence.

Ce qu’il faut

Nous devons tous reconnaître que les actions actuelles des autorités russes en Ukraine et, tout autant que la politique menée récemment dans notre pays, répètent les aspects les plus dégoûtants de notre passé, qui semblaient rejetées depuis longtemps, à savoir - l’oppression de pays entiers comme la Hongrie, la Tchécoslovaquie, la Pologne, l’Afghanistan, mais aussi la répression acharnée contre la dissidence, le brouillage des émissions et la persécution de ceux qui ne sont pas d'accord, la dénonciation de ceux dont nous aurions dû être fiers comme agents étrangers, etc. etc. ; les mensonges dans le monde entier et la démagogie.

Nous devons accepter la nécessité tout d'abord d’un retrait immédiat des troupes russes d'Ukraine, puis le besoin d’un changement de pouvoir pacifique dans notre pays. Il nous faut étudier précisément pourquoi notre pays est revenu au même état humiliant qu’il avait connu durant presque tout le XXe siècle.

Soutenir ces principes publiquement n'est en aucun cas une question d’opinions politiques ou autres, et ne contredit pas l’indépendance entre  science et politique : il s’agit de sauver des vies humaines. Cette position relève de scientifiques qui se respectent. Même si défendre une telle position représente un risque réel dans notre pays, celui-ci est incomparable avec le risque auquel les gens sont exposés dans une vraie guerre.

Post-scriptum

Le texte ci-dessus a été rédigé début mars. Depuis, j'ai pris connaissance de plusieurs lettres et appels au président russe soutenant cette horrible guerre pour la destruction de l'Ukraine actuelle. Ces lettres sont signées par des «scientifiques» membres de l'Association des diplômés de l'Université d'État de Leningrad et de Saint-Pétersbourg), des recteurs de presque toutes les universités russes, comme nombre de « personnalités culturelles, poètes. écrivains ≫.  La collecte des signatures des lettres de soutien s'est déroulée, apparemment, de manière très urgente et tout à fait conforme aux canons soviétiques, mais trop négligemment (" signatures " de personnes décédées parfois depuis longtemps, répétitions, etc.). Il n’y a malheureusement que de rares lettres contraires.

Comprenez-vous ?

Il n'y a que deux questions pour les signataires de ces lettres et appels :

 – Comprenez-vous ce que vous avez fait de votre réputation - déjà maintenant, et surtout dans un avenir proche ?

 – Comprenez-vous quelle est la réputation et quel est l'avenir d’un pays dont les recteurs de toutes les universités, ainsi que les soi-disant poètes et les écrivains, signent les plus basses assurances de dévouement devant un gouvernement qui s'est à jamais souillé du sang de gens pacifiques?

 Anatoly Vershik

 

Texte original :

 С КЕМ ВЫ, МАТЕМАТИКИ?

 

Этот вопрос, обращенный к математикам, как будто, не имеет смысла, ---если речь идет об участии в политических спорах, о том, за кого голосовать и кого поддерживать и т. д., то с их точки зрения это просто пережёвывание тривиальностей, чего математики не любят.

Подобный вопрос западным либералам демагогически задал М. Горький ровно 90 лет назад в своей книге "С кем вы мастера культуры?" Тогда этот вопрос для них --- об отношении к советской системе, имел, скорее, академический характер.

Совсем не академический характер, во всяком случае, с января 2022 года, имеет вопрос об отношении математиков к проведению очередного Международного Математического Конгресса в Ст. Петербурге в июле того же года.

Когда в 2017 году несколько моих друзей-математиков с энтузиазмом стали обсуждать идею проведения Математического Конгресса 2022 года в Ст. Петербурге, я многократно объяснял им, что это неудачная идея и, что страна, только что (в 2014 году) совершившая по воле руководителей страшную ошибку, и ведущую явно опасную внешнюю и внутреннюю политику, не остановится на этом, и пойдет по тому же пути дальше. Но, конечно, я тогда не предполагал, что дело дойдет прямой войны.

Поэтому, когда Математический Союз в 2018 г. принял решение о Конгрессе в пользу Ст. Петербурга (в споре с Парижем) я написал, что я свою точку зрения сохраняю, но участвовать в организации Конгресса, как и мешать организаторам, не буду. За некоторое время до решения о месте у меня был любопытный разговор с С.Виллани (тогда директор Института Пуанкаре и важное лицо во французской научной иерархии), в котором мы согласились, как важно, чтобы был выбран Париж. Но посулы приехавшего на заседание Исполкома МС представителя правительства России о выгоде выбора Ст. Петербурга, победили. Позже я активно участвовал в деле Азата Мифтахова, молодого математика, незаконно осужденного на 6 лет колонии. Казалось бы, нашим властям было бы выгодно в интересах проведения Конгресса, пойти навстречу многочисленным, в основном иностранным, ученым, заступившимся за Азата. Но никакие письма и обращения не помогли. Однако, я не участвовал в дискуссиях о бойкоте Конгресса.

И вот развязка наступила. Я ещё не знал о решении об отмене Конгресса в СПб, когда писал свой пост для фейсбука (24.2.2022) о том, что отмена или перенесение конгресса в другое место необходима после агрессии, и я не знаю, кто в Исполкоме Математического Союза первым догадался, что Конгресс уже пора отменить или перенести.

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Но сейчас мы обсуждаем не этот вопрос, ставший уже малозначимым, а совсем другой вопрос, --- о том, будем ли мы (математики, ученые) молчать о происходящей в Украине войне: с кем мы и против кого? Сказать: "Мы против войны", или, более благонамеренно: "Спец-операцию надо закончить", --- это значит ничего не сказать в силу двусмысленности этого высказывания, очевидно игнорирующего несимметричный характер происходящей бойни.

Сейчас трудно обсуждать будущее стран-участников происходящих событий, и довольно опасно говорить откровенно текущей обстановке. Однако, подчеркну, что я говорю здесь о реакции не об оболваненных потребителях официальной пропаганды, а о деятелях культуры и о ученых, которые хотят сохранить самоуважение и не хотят в скором будущем путаться в оправданиях, того, почему они молчали. Всем нам необходимо четко заявить:

что текущие действия российской власти в Украине и, что не менее важно, политика, проводимая последнее время внутри страны, повторяют самые отвратительные картины нашего прошлого, казалось бы, давно отвергнутого, а именно --- подавление в разные годы стран --- Венгрии, Чехословакии, Польши, войну в Афганистане, жесткую борьбу с инакомыслием, глушением передач и преследованием несогласных, объявление иностранными агентами тех, кем мы должны гордиться и т.д. и т.п; глобальную ложь и демагогию.

И принять. как вывод, что прежде всего необходим немедленный отвод российских войск из Украины, и последующая мирная смена власти в нашей стране и детальное изучение того, как страна вновь пришла к тому же унизительному состоянию, в котором находилась почти весь ХХ век.

Поддержка этих утверждений никак не связана с политическими и другими взглядами людей, и никак не противоречит тезису об обособленности науки и политики, поскольку речь идет о поддержке гибнущих людей. Сейчас, как мы видим, такая позиция связана с некоторым реальным риском для того, кто её высказывает, его могут себе позволить уважающие себя ученые и он несравнимым с тем риском, которым подвергаются люди на реальной войне.

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Предыдущий текст был написан в начале марта. После этого я ознакомился несколькими письмами и обращениями к президенту в поддержку этой ужасающей войны за уничтожение нынешней Украины, подписанными «учеными», входящими в Ассоциацию окончивших ЛГУ и СПГУ), ректорами почти всех российских университетов, «деятелей культуры, поэтов. писателей». Писем противоположного характера почти нет.

Сбор подписей писем в поддержку проходил, по-видимому, очень срочно и вполне по советским канонам, но слишком небрежно (есть «подписи» давно или недавно умерших; некоторые фамилии повторяются дважды и т.д.).

Но есть лишь два вопроса к подписавшим эти письма и обращения:

вы понимаете, что вы сделали с вашей репутацией,--- уже сейчас, и, особенно, в недалеком будущем?

вы понимаете, какова репутация и каково будущее страны, в которой ректоры всех университетов, а также, якобы, поэты и писатели подписывают нижайшие уверения в преданности власти, которая навек запятнала себя кровью мирных людей?

Publiée le 15.03.2022