Décès de Laurent Gruson
« Laurent Gruson nous a quittés le 2 avril, emporté par le covid 19.
Rappelons brièvement son parcours scientifique. Il commence par une thèse portant sur l’analyse ultramétrique et non-archimédienne. Sur ce thème il collabore ensuite avec Marius van der Put. Il est nommé, très jeune, professeur à l'université de Lille. Les aspects p-adiques de ses travaux l'amènent à s’intéresser aux problèmes de platitude, sujet sur lequel il écrit avec Michel Raynaud l'article fondateur « Critères de platitude et de projectivité ». Son intérêt pour l'algèbre homologique apparait à nouveau dans une collaboration avec Christian Jensen.
En 1973 il rencontre Christian Peskine et s'engage avec lui dans une collaboration de plus de 10 ans sur la classification des courbes gauches et la solution du problème des lacunes de Halphen. Il est alors détaché pour un an à l'université de Strasbourg et pour 18 mois ensuite à l'université d'Oslo. Robert Lazarsfeld, Geir Ellingsrud et Stein Arild Stromme se joignent, ponctuellement, à cette collaboration.
À partir de la fin des années 80, il consacre toute son énergie et sa réflexion à la formation des jeunes chercheurs qui sont nombreux à bénéficier de son extraordinaire culture scientifique. Il est nommé professeur à l'université de Versailles.
Au début du siècle, poussé par ses étudiants, ses amis et sa fille Caroline, il se décide à publier à nouveau certains de ses travaux, en particulier ceux qui concernent la géométrie algébrique projective complexe. Ses collaborateurs pour cette période sont Philippe Ellia, Davide Franco, Caroline Gruson, Mohamed Skiti, Fatima Laytimi et Nagaraj Donihakkalu, Frédéric Han, Jean d’Almeida et Nicolas Perrin.
À partir de 2010 il entame de nouvelles collaborations, sur les courbes algébriques ordinaires et tissus associés avec Youssef Hantout et Daniel Lehmann, sur le théorème de projection générale de nouveau avec Christian Peskine et sur les variétés abéliennes avec Steven Sam et Jerzy Weyman. Il y a quelques jours il etait très engagé dans un projet de recherche sur la simple connexité rationnelle, avec Andrea Fanelli et Nicolas Perrin.
Laurent Gruson avait pour la connaissance et pour les textes tendresse et respect. Ceux d'entre nous qui ont eu la chance de l'entendre présenter brièvement l'idée essentielle d'un théorème récent ou ancien, lié à ses travaux ou non, s'en souviennent pour toujours. Ceux d'entre nous qui le connaissaient mieux encore ont eu aussi la chance de l'entendre commenter " Les Pélerins d'Emmaus ", un passage de " Splendeurs et Misères " ou " l'adagio de la Hammerklavier " et savent qu'il avait la même tendresse respectueuse pour d'autres connaissances et d'autres créations de l'esprit.
L'homme qui nous quitte, tourmenté, timide, caché parfois, avait une pensée ample, profonde et juste. Il était soucieux des mots et de leur sens. Son influence était heureusement à l'aune de sa sensibilité. C'est dire à quel point il nous manquera. »
Caroline Gruson, Nicolas Perrin, Christian Peskine.
« On apprend le décès de Laurent Gruson le 1er avril, professeur émérite à l'université de Versailles-Saint-Quentin. Ses travaux ont porté sur différents aspects de la géométrie algébrique, en particulier son travail avec Michel Raynaud sur les critères de platitude et, plus récemment son étude historique et mathématique des travaux classiques d'Halphen qui l'ont amené avec Christian Peskine à corriger la preuve d'Halphen de la classification des courbes lisses de l'espace projectif. Il a dirigé de nombreuses thèses. »Martin Andler
