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René Thom (1923-2002)

René Thom est mort le jeudi 25 octobre 2002. Il avait 79 ans.

Le cobordisme, la transversalité dans les espaces de jets, les déploiements versels de singularités et les stratifications associées mais aussi bien sûr la théorie des catastrophes, sont les parties les plus visibles de son œuvre caractérisée par la profondeur, l'originalité, l'audace de la pensée et, suivant le titre du livre hommage publié par Michèle Porte, la passion des formes. Il reçoit la médaille Fields en 1958.

La topologie différentielle est en grande partie façonnée par les concepts qu'il y a introduits ou développés. Ceux qui ont eu la chance d'assister à son séminaire dans ce qui était alors la bibliothèque de l'Institut des Hautes Etudes Scientifiques de Bures-sur-Yvette gardent la mémoire de ces instants sidérants où en quelques mots il amenait en pleine lumière les questions abordées dans l'exposé, à la surprise quelques fois de l'orateur.

Faisant volontiers profession de se moquer de l'algèbre mais ayant contribué largement à montrer la dominance des modèles algébriques et analytiques dans les situations "génériques", il a proposé dans la théorie des catastrophes de remplacer les principes d'optimalité de la mécanique classique par un principe de stabilité, posant a priori qu'une forme élémentaire dans l'espace-temps est la manifestation de conflits stables de dynamiques locales dont la connaissance précise n'est pas nécessaire à la caractérisation de cette forme. Simple au niveau des singularités de type gradient, la théorie se complique singulièrement lorsqu'on envisage les systèmes dynamiques généraux mais sa puissance unificatrice demeure intacte. Publié en 1972, son livre ``Stabilité structurelle et morphogénèse", qui fait écho au ``On growth and form" de d'Arcy Thompson, est une réflexion souvent provocante sur la nature des formes en biologie et en linguistique.

Posant des questions dont la simplicité masque la profondeur, proposant des modèles dont l'apparente naïveté fait la force conceptuelle, il renoue avec la tradition des Cuvier et des Geoffroy Saint-Hilaire qu'une science de plus en plus technique avait occultée. Dans la dernière partie de sa vie, René Thom s'est résolument tourné vers la philosophie d'Aristote dans laquelle il retrouvait une vision apparentée à la sienne.

Alain Chenciner

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Année de publication
25.05.2018