Socle commun des connaissances et compétences
et objectifs généraux de l'enseignement des mathématiques
Le "socle commun des connaissances et compétences" a été institué par la loi d'orientation pour l'école du 23 avril 2005. Selon l’article 9, le socle commun est "constitué d'un ensemble de connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société." La définition des contenus du socle commun a été confiée au Haut Conseil de l'Education.
En tant que représentants de la communauté mathématique – enseignants des collèges, des lycées, de l'enseignement supérieur, chercheurs – nous nous réjouissons que les mathématiques soient à nouveau reconnues, par leur place dans le "socle commun", comme un des piliers de la formation des jeunes.
En lien avec la réflexion actuelle sur son contenu, nous souhaiterions tout d'abord préciser ce que nous pensons être les trois objectifs majeurs et imbriqués de l'enseignement des mathématiques.
Objectif 1 : Donner à tous les jeunes, filles et garçons, une formation de base en mathématiques. Il faut bien sûr leur apprendre à compter, mentalement et par écrit, leur enseigner des éléments de géométrie. Il faut aussi éveiller leur aptitude au raisonnement logique et leur curiosité intellectuelle, les initier à la résolution de problèmes simples. Il faut enfin les former à mettre en œuvre leurs connaissances dans les situations de la vie courante où une maîtrise élémentaire des nombres, des données statistiques et de l'espace est nécessaire (calculs de surfaces et volumes, pourcentages et taux, proportionnalité, lecture de tableaux et de graphiques...). A travers ces différents aspects, les mathématiques sont une composante incontournable de la culture générale.
Objectif 2 : Former les utilisateurs et utilisatrices de mathématiques scientifiques, ingénieurs, techniciens, commerciaux, etc – en liaison avec les champs disciplinaires où elles s'appliquent : physique, chimie, technologie, informatique, économie, biologie, médecine, sciences humaines... Dans une société qui s’appuie de plus en plus sur la science et la technologie, où les besoins en analyse prévisionnelle et statistique, en simulation et en algorithmes augmentent d’année en année, cet objectif ne saurait être sous-estimé. C’est ainsi que la nécessité de compétences mathématiques adaptées (en niveau et en contenu) se retrouve dans de nombreuses professions, y compris les ouvriers hautement qualifiés, les techniciens supérieurs et, bien sûr, les cadres de l’industrie, de l’administration et du commerce. Par exemple, le niveau de qualification des 25000 ingénieurs que nous formons annuellement est un garant de notre développement économique ; or la maîtrise des concepts scientifiques et techniques nécessaires au métier d’ingénieur exige aujourd’hui, plus que jamais, un bon niveau en mathématiques.
Objectif 3 : Former des spécialistes en mathématiques, hommes et femmes. Présents dans tous les secteurs de l'industrie et des services, ils modélisent, optimisent et prévoient. Professeurs de mathématiques des lycées et collèges, ils dominent suffisamment leur discipline pour en assurer un enseignement rigoureux, vivant et évolutif, ouvert sur les applications. Dans les grands organismes de recherche, les universités et grandes écoles, les entreprises, ils développent des mathématiques nouvelles.Les avancées mathématiques sont plus que jamais une ressource stratégique, car de nombreux problèmes concrets de développement technologique ou économique nécessitent des outils mathématiques nouveaux et sophistiqués – y compris des outils hautement conceptuels et loin, en apparence, de la "pratique". Tous les indicateurs placent l'école mathématique française en recherche très haut dans la hiérarchie mondiale (en deuxième position derrière les Etats Unis), mais cette situation pourrait se dégrader rapidement si la formation des nouvelles générations était compromise.
La coordination des trois objectifs, clé d’un développement harmonieux, est des plus complexes à mettre en œuvre sur le terrain en raison de la très forte cohérence interne de la discipline mathématique. D'énormes efforts devront être consacrés à assurer l'enseignement de qualité, exigeant et efficace, nécessaire à la mise en place du "socle commun " : la maîtrise des connaissances et compétences du socle posera de sérieux problèmes à certains élèves. Mais par ailleurs, le niveau des "principaux éléments de mathématiques" proposés par les services du Ministère de l'Education Nationale dans le cadre du socle ("Le Monde" du 10 janvier) nous paraît modeste pour une bonne partie de la population scolaire : celle qui permettra d’atteindre les deuxième et troisième objectifs que nous avons identifiés.
Les questions qui se posent sont les suivantes :
a) Comment s'articulera le "socle commun", en mathématiques, avec l'ensemble des programmes ?
b) L'obligation de "garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition du socle" (article 9 de la loi) ne risque-t-elle pas de donner à celui-ci trop d'importance par rapport à l'ensemble du programme ? Par exemple, le brevet des collèges, qui structure fortement l'enseignement en quatrième et troisième, devra tenir compte des difficultés de certains élèves à assimiler le socle lui-même, notamment en mathématiques – au risque peut-être de négliger des compétences utiles au lycée. Les apprentissages ultérieurs en deviendraient alors plus difficiles, avec pour conséquence l'abandon des voies nécessitant des bases solides en mathématiques, pour lesquelles nous avons pourtant un besoin criant de candidates et de candidats.
Ces questions sont délicates. Nos organisations représentent l'essentiel des professionnels chargés de faire vivre l’enseignement des mathématiques sur le terrain, en contact avec les élèves et les étudiants, à tous les niveaux de notre système éducatif ; elles cumulent un haut niveau d’expertise scientifique et des années de réflexion et de pratique pédagogique. Nous souhaitons être consultés et nous nous tenons à la disposition du Haut Conseil de l'Education pour une réflexion constructive et une aide technique dans l'élaboration concrète des contenus de l'enseignement des mathématiques adapté aux besoins multiples de notre pays
Texte adopté par la SMF, Femmes et Math, l'APMEP, la SFDS et la SMAI le 4 avril 2006