"Ramanujan à Hardy : de la première à la dernière lettre ..."
En janvier 1913, Srinivasa Ramanujan, un mathématicien indien de 26 ans essentiellement autodidacte, écrit à G. W. Hardy, éminent professeur à Cambridge, une longue lettre dans laquelle il lui expose des résultats qu’il a obtenus. Au lieu de jeter sans même lire ce qui paraît au premier abord comme des élucubrations, Hardy hésite, puis il est captivé : outre des résultats bien connus, il y trouve des résultats qu’il considère comme « nouveaux et importants » et répond au jeune homme dès le 8 février. Une correspondance commence,puis Hardy invite Ramanujan à Trinity College en 1914. Il y reste 5 ans, étonnant les mathématiciens de Cambridge tant par la profondeur de ses intuitions que par l’insuffisance de ses connaissances. Lorsque Littlewood, proche collègue et collaborateur de Hardy, tente d’enseigner à Ramanujan les bases, celui-ci réagit immédiatement par une avalanche d’idées originales — et c’est au tour de Littlewood d’essayer de comprendre... Couvert d’honneurs scientifiques (il est élu membre de la Royal Society en 1918), mais malade, il rentre en Inde en 1919. Il meurt en 1920, non sans avoir écrit une dernière lettre à Hardy,qui contient de nouvelles et mystérieuses idées mathématiques, notamment les simulacres de fonctions theta (« mock theta functions ») sur lesquelles Don Zagier a tout récemment dirigé la thèse de Sander Zwegers à Utrecht. Certaines idées de Ramanujan, un génie à tous points de vue stupéfiant ont eu une influence considérable sur les mathématiques du XXème siècle. On mentionnera notamment la conjecture de Ramanujan, finalement démontrée par Pierre Deligne en 1974lorsqu’il a démontré la dernière conjecture de Weil. Mais aussi les graphes de Ramanujan, qui jouent un rôle très important en mathématiques, avec des applications totalement imprévues aux réseaux de télécommunication, ou une autre conjecture, celle sur les fonctions de partition.L’œuvre de Ramanujan est contenue dans ses articles publiés, sa correspondance avec Hardy et ses carnets, les fameux « Notebooks », parmi lesquels un carnet « perdu », heureusement retrouvé en 1976. En tout des milliers d’énoncés, théorèmes en attente de démonstrations et conjectures. Une étonnante collaboration internationale, sous l’impulsion de B. Berndt, rassemblant une centaine de mathématiciens a abouti à la publication de cinq volumes où les résultats de Ramanujan sont analysés, commentés et démontrés.
Don Zagier
Don Zagier est né en 1951 en Allemagne. Il a obtenu sa licence (BA) en mathématiques eten physique en 1968 au Massachussetts Institute of Technology (États-Unis), puis a obtenuson doctorat (D. Phil) de mathématiques à Oxford (Grande-Bretagne) en 1972. Il a été pro-fesseur aux universités de Bonn (Allemagne), du Maryland (États-Unis), Kyushu (Japon),Utrecht. Depuis 1995 il est professeur à l’institut Max Planck de Bonn, dont il est directeur,et depuis 2001 il est également professeur au Collège de France à Paris. Il est spécialistede théorie des nombres
Une bibliographie pour en savoir plus