"Georg Cantor et les infinis"
par Patrick Dehornoy
En 1874, Georg Cantor publie dans le journal de Crelle un article [1] ou il démontre qu'il n'y a pas plus de nombres rationnels que de nombres entiers mais qu'en revanche il y a davantage de nombres réels que de nombres entiers. Cet article est révolutionnaire car, pour la première fois, l'infini est considéré non plus comme une limite inatteignable mais comme un possible objet d'investigation. La descendance de cet article est extraordinaire: non seulement il marque la naissance de la théorie des ensembles - qui, en fait, est une théorie de l'infini - mais il contient déjà en germe le problème du continu qui a occupé toute la fin de la vie de Cantor et a été et continue d'être le moteur du développement de cette théorie. Un temps objet d'une fascination déraisonnable reposant sur un pur malentendu, celle-ci est aujourd'hui largement méconnue, tombée dans un oubli immérité qui n'est pas sans rappeler le destin funeste de son créateur.
[1] G. Cantor, Ueber eine Eigenschaft des Inbegriffes aller reellen algebraischen Zahlen, Journal für die reine und angewandte Mathematik, vol. 77 (1874) pp. 258-262.
Patrick Dehornoy a fait ses études à l'Ecole normale supérieure et à l'université Paris 7. Après son doctorat d'état, obtenu alors qu'il était chargé de recherches au CNRS, il a été nommé professeur à l'université de Caen où il enseigne depuis vingt-cinq ans. Depuis 2002, il est également membre senior de l'institut universitaire de France. Ses recherches ont d'abord porté sur la théorie des ensembles; il s'intéresse maintenant à l'algèbre, et en particulier à la théorie des tresses
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