Campagne d'adhésion 2010 - Le mot du Président
Cette année, la communauté mathématique va être confrontée à de nombreux enjeux cruciaux ; en voici quelques exemples :
- La réforme du lycée est peut-être le plus important, car la qualité de l'école mathématique française de demain est largement déterminée par l'enseignement de notre discipline au collège et au lycée. La réforme annoncée, même si elle se fait à minima est accompagnée du traditionnel discours sur la nécessité de faire disparaitre une prétendue «dictature des mathématiques» ou une «sélection par les mathématiques». La SMF maintiendra la position de bon sens qu'elle a toujours soutenu: un peu de mathématiques est aujourd'hui nécessaire pour tous les lycéens, et ne saurait se réduire à des recettes de cuisine, et des fondements mathématiques très solides le sont tout autant pour former les scientifiques de demain. On assiste d'ailleurs à un consensus de plus en plus large parmi les scientifiques, toutes disciplines confondues, sur le fait que les mathématiques sont leur langage commun, et la pierre angulaire sur laquelle se construisent les sciences fondamentales.
- La réforme des concours d'enseignants est tout aussi importante pour la même raison : ce sont les professeurs des écoles, de collège et de lycée qui forment les générations futures. Toute erreur dans leur formation et leur mode de recrutement aura des conséquences lourdes à long terme. Une telle réforme doit éviter deux écueils : le premier est de rendre les concours moins attractifs, ce qui entrainerait une moindre qualité des enseignants, et le second est la baisse de leur niveau de recrutement, et donc de leur connaissances. Ce n'est pas faire de l'élitisme exagéré que de remarquer que le niveau disciplinaire de certains enseignants est insuffisant : qui n'a pas constaté, souvent par expérience directe au sein de sa propre famille, que des enseignants du primaire maitrisent mal l'algorithme de la division ! Cette réforme a été très mal engagée l'an dernier, par un ministre de l'Education Nationale qui refusait tout dialogue avec la communauté universitaire (qui est pourtant celle des formateurs). Il est très difficile aujourd'hui pour son successeur de corriger le tir alors qu'un certain nombre de décisions clefs, déjà prises, sont annoncées comme irréversibles, et que les formateurs sont exaspérés d'avoir été si longtemps ignorés.
- Les mathématiques sont menacées par la méconnaissance que les « décideurs » et les médias en ont. Il est devenu nécessaire de montrer que notre discipline n'est pas une « danseuse » qu’un état riche et puissant peut se permettre d’entretenir pour la gloire, mais que la recherche mathématique, depuis ses aspects les plus fondamentaux jusqu’à ses ultimes applications, est nécessaire, y compris pour répondre aux enjeux de la haute technologie et de l’économie. En effet, les grandes orientations de la recherche ne sont plus décidées comme par le passé par des scientifiques incontestables, et compétents dans notre domaine, en poste au MESR au CNRS ou dans des grands organismes; il n'était pas nécessaire alors de persuader ces personnalités de l'importance de notre discipline. Ces orientations sont désormais déterminées par les politiques, eux-mêmes largement influencés par les médias. De plus, l’affectation de postes d’enseignants-chercheurs en mathématiques est choisie directement par les établissements, c’est-à-dire en pratique par des présidents d'universités issus de toutes les disciplines, aidés par des conseils très amaigris, souvent dépourvus de mathématiciens. On peut déjà constater les conséquences de ces changements : nos tutelles ne sont jamais avares de compliments envers la recherche fondamentale française, mais les sujets déclarés prioritaires relèvent essentiellement d’une recherche très finalisée, dans les domaines mis en avant par les médias. Les postes d’enseignants-chercheurs sont souvent redéployés vers d’autres disciplines ou, au mieux, fléchés au sein des mathématiques en suivant les contraintes thématiques d’enseignement (les maths «discipline de service»), au risque de détruire à moyen terme les grands équilibres entre ses différents sous-domaines. Si nous ne régissons pas suffisamment vite, des pans entiers des mathématiques seront menacés de disparition.
Face à ces défis, que fait la SMF?
À l'heure ou j'écris ces lignes, il est impossible de décrire une stratégie de réponse face à la réforme du lycée, puisque nous sommes actuellement dans l'attente de ce que sera la réforme prévue; mentionnons toutefois que, l'an dernier, une intervention de la SMF auprès de l'Inspection Générale a permis de préserver l'essentiel du programme de mathématiques de seconde. De plus, une réflexion débute sur la place de l'informatique au Lycée, en concertation avec les associations de chercheurs et d'enseignants en informatique.
Le colloque «MATHS À VENIR», qui se tiendra les 1er et 2 décembre 2009 est une réponse aux défis concernant la place des mathématiques dans l'enseignement supérieur et la recherche. Tourné vers les décideurs et les médias, il aura pour ambition de faire connaître les grands enjeux autour de notre discipline. Le succès de ce colloque conditionne à long terme le maintien des mathématiques françaises au plus haut niveau mondial.
Le refus de concertation du ministre de l'Éducation Nationale sur le dossier masterisation a eu paradoxalement une conséquence heureuse : il a amené les multiples sociétés savantes à se rassembler pour pouvoir enfin parler d'une seule voix. Avec la «Coordination Concours Lettres» (qui rassemble les sociétés savantes de littérature française), la SMF a été à l'origine de plusieurs initiatives: Au printemps dernier, nous avons lancé deux lettres ouvertes au Ministre, signées chacune par une cinquantaine de sociétés. Ces lettres ont fait la preuve que, unies, ces sociétés peuvent mener des actions beaucoup plus visibles et efficaces que si elles agissent chacune de son côté, ou par petits groupes disciplinaires. Nous avons ressenti le besoin que ces deux actions ponctuelles ne restent pas isolées. Une première réunion a permis aux responsables de plus de 40 sociétés savantes et associations d’enseignants de se constituer en Forum afin de mener une réflexion commune sur le fonctionnement de l’Éducation Nationale, l’avenir de la recherche et des universités. Le Forum sera un lieu de rencontre, d'échanges, d'information mutuelle, ainsi qu'une organisation destinée à exprimer les positions communes de la totalité ou d'une partie de ses membres. Il a vocation à être un interlocuteur reconnu de nos tutelles, d’autres organisations et des media. Compte tenu de leur expérience pédagogique et de leur représentativité au sein de la communauté universitaire et enseignante dans toutes les disciplines du savoir, et afin de pouvoir défendre les valeurs qu'elles partagent, les sociétés constitutives du forum ont demandé à être partie prenante de véritables négociations sur les réformes en cours ou à venir. Il a de plus adopté une nouvelle déclaration sur la masterisation.
Toutes ces activités de la SMF ne pourront perdurer que si plusieurs conditions sont réunies:
Nous avons besoin de plus d'adhérents afin d’accroître notre représentativité de la communauté mathématique et notre légitimité à la représenter. Il est donc nécessaire que chaque membre de la SMF renouvelle son adhésion, mais aussi fasse connaitre notre société auprès de ses collègues et de ses proches.
Nous avons également besoin d’accroître nos moyens financiers. Cette année, une dépense exceptionnelle correspond à la rénovation de notre site web. Dans un futur proche, nous allons être confrontés à la nécessité de consolider le secteur publications en le renforçant par un demi poste. Cette augmentation de nos dépenses nous a conduit à introduire la nouvelle catégorie des «membres bienfaiteurs». Nous invitons tous ceux qui le peuvent à cotiser à cette hauteur, en vous rappelant que le don représenté par cet accroissement de votre cotisation est déductible des impôts. Je vous remercie par avance de l'importante marque de confiance que vous nous donnerez ainsi.
Notre partenariat avec la BnF et Animath concernant les conférences «Un texte un mathématicien» se poursuit. Les orateurs pour 2010 seront Laure Saint Raymond, Jean-Pierre Bourguignon, Michel Broué et Cédric Villani.
Notre journée annuelle se tiendra à l'IHP. Elle aura plus d'ampleur, puisqu'elle se tiendra à cheval sur deux jours, les 25 et 26 juin 2010. Son thème sera : «Algèbre et télécommunication», et comprendra aussi des tables rondes sur des sujets d'actualité.
Stéphane Jaffard