Décès de Pierre Cartier
Pierre Cartier est mort ce 17 août 2024.
Né en 1932 à Sedan, il entre à l'École normale supérieure en 1950, prépare une thèse sous la direction d'Henri Cartan sur les diviseurs et les dérivations en géométrie algébrique qu'il soutient en 1958.
Il y introduit plusieurs notions qui portent aujourd'hui son nom — les diviseurs de Cartier, ceux qui sont localement définis par une équation régulière, et l'opération de Cartier en calcul différentiel des variétés algébriques en caractéristique positive. Peu après, il prouve des résultats concernant les variétés abéliennes et la dualité des schémas en groupes. Dès le début de son activité mathématique, il s'intéresse également à la théorie de Lie (nouvelle preuve de la formule de Campbell-Hausdorff ; avec Dixmier, existence de vecteurs analytiques dans les groupes de Lie, formule de caractère de Weyl…).
En 1961, il est nommé professeur à l'université de Strasbourg où il restera dix ans avant d'entrer au CNRS comme directeur de recherches (au laboratoire de l'École polytechnique, puis à l'IHÉS).
Tout au long de sa longue carrière, Pierre Cartier profita de ses rencontres pour développer son intérêt pour une immense variété de thèmes mathématiques (théorie des probabilités, homologie cyclique, spectre des surfaces hyperboliques et son analyse numérique, combinatoire, logique, groupes quantiques, algèbres de Hopf et multizêtas) ou physique (mécanique statistique, intégrales de Feynman…).
Il faut mentionner aussi son intérêt pour l'histoire et la philosophie des mathématiques, notamment par le séminaire qu'il avait contribué à animer pendant plus de 30 ans.
Pierre Cartier, c'était aussi un engagement déterminé et enthousiaste au sein du groupe Bourbaki dès 1955. Les nombreux exposés qu'il a faits au Séminaire du même nom témoignent également de l'ampleur de sa culture mathématique.
Celles et ceux qui l'ont côtoyé garderont le souvenir d'un homme jamais avare d'une anecdote, toujours avide de partager ses connaissances, des mathématiques les plus avancées aux plus classiques.
Antoine Chambert-Loir
La Société Mathématique de France présente ses plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.
À voir ou à revoir :
- « Le symbolisme mathématique : des figures aux nombres et à leurs transfigurations », par Pierre Cartier, vidéo de la conférence du 17 janvier 2007 donnée dans le cadre du cycle « Un texte, un mathématicien ».
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TRANSGRESSIONS / TRANSGRESSIONS, l’Histoire courte de Pierre Cartier réalisée par Jean-François Dars et Anne Papillault.
À lire ou relire :
- Lectures grothendieckiennes, P. CARTIER, A. CONNES, F. JAECK (ed.), C. MACLARTY, J.-J. SZCZECINIARZ, O. CARAMELLO, L. LAFFORGUE, G. PISIER, F. ZALAMEA.
- "Nouveaux développements sur les valeurs des caractères des groupes symétriques; méthodes~combinatoires d'après V.~Féray", P. CARTIER, Exposé Bourbaki 10671, Astérisque 361, 2014.
- "Groupoïdes de Lie et leurs algébroïdes", P. CARTIER, Exposé Bourbaki 987, Astérisque 326, 2009.
- "Fonctions polylogarithmes, nombres polyzêtas et groupes pro-unipotents", P. CARTIER, Exposé Bourbaki 885, Astérisque 282, 2002.
- "Développements récents sur les groupes de tresses", P. CARTIER, Exposé Bourbaki 716, Astérisque 189-190, 1990.
- "La théorie des blocs et les groupes génériques", P. CARTIER, Exposé Bourbaki 781, Astérisque 227, 1995.
- "Démonstration “automatique” d'identités et fonctions hypergéométriques [d'après D. Zeilberger]", P. CARTIER, Exposé Bourbaki 746, Astérisque 206, 1992.
- Texte écrit par Pierre Cartier pour le livre Les Déchiffreurs de Jean-François Dars, Annick Lesne et Anne Papillault.
- "La folle journée, de Grothendieck à Connes et Kontsevich", P. CARTIER à l’occasion du 40e anniversaire de l’IHÉS.
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"Pierre Cartier, mathématicien français, est mort", D. LAROUSSERIE, Le Monde, 20 août 2024.
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"Notes sur l’histoire et la philosophie des mathématiques V : le problème de l’espace", un entretien de 2009 avec Javier Fresán : « Le château des groupes », 2009.