François Viète considérait la plupart de ses traités mathématiques comme des parties d'un corpus de textes auquel il donna le titre de Opus restitutæˆ̂Mmathematicæ analyseos seu algebra nova. Malgré ce titre et le fait que le terme « algèbre » ait été souvent employé pour designer ce qui est d'habitude considérée comme la principale contribution de Viète aux mathématiques, ce terme ne fait pas partie de son langage technique. Comment doit-on l'entendre, dans le contexte du titre de son Opus, où la « nouvelle algèbre »ˆ̂Mest identifiée à l'« analyse restaurée » ? Pour répondre à cette question, je propose de distinguer deux sortes d'analyse problématique : la première est celle décrite par Pappus au début du $\mathrm {VII}^{\mathrm {e}}$ Livre de sa Collection mathématique et que je propose d'appeler « intra-configurationnelle » ; la seconde est celle qui est appliquée par Viète et que je propose d'appeler « trans-configurationnelle ». Pour appliquer cette seconde sorte d'analyse, Viète se réclame de son nouveau formalisme. Je maintiens, cependant, que l'usage de ce formalisme n'est pas nécessaire. Je maintiens aussi que cette sorte d'analyse était souvent appliquée avant Viète pour résoudre des problèmes géométriques, en se réclamant d'un type particulier d'inférénces géométriques que j'appelle « non-positionnelles », car elles ne dépendent d'aucun diagramme. Pour donner un exemple d'une telle application systématique de l'analyse trans-configurationnelle, je me penche sur le Traité d'algèbre et al-muqābala d'al-Khayyām. Je suggère enfin qu'en parlant d'algèbre, dans le titre de son Opus, Viète se référait au système de techniques sous-jacentes à l'analyse trans-configurationnelle, c'est-à-dire à l'art de transformer les conditions de certains problèmes purement quantitatifs, en utilisant soit un formalisme approprié, concernant les opérations d'addition, soustraction, multiplication, division, extraction de racines et solution d'équations entières appliquées à des nombres indéterminés, soit des inférences géométriques non-positionnelles.