La conception des nombres en France autour de 1800 : l'œuvre didactique de Sylvestre François Lacroix
The conception of numbers in France circa 1800 : the pedagogical works of Sylvestre François Lacroix
Français
L'objet de cet article est d'examiner la vision des nombres telle qu'elle apparaît dans les ouvrages de S.F. Lacroix. Marqué par le génétisme sensualiste de Condillac, ce dernier sut le dépasser et bâtir ses textes, comme le recommandait d'Alembert, autour d'idées simples, issues d'une vision mathématique dégagée des débats métaphysiques. Sans prétendre construire de système philosophique, il bâtit une œuvre d'une profonde cohérence. Partant des nombres entiers et des opérations arithmétiques, il construit les fractions pour étendre la division. L'algèbre, c'est-à-dire la théorie des équations polynomiales, donne naissance à une nouvelle espèce de nombres, les quantités algébriques. Lacroix montre soigneusement que les nombres négatifs et imaginaires sont susceptibles de toutes les opérations arithmétiques et permettent de résoudre toutes les équations polynomiales. Sa géométrie s'ouvre par la description de l'anthyphérèse qui lui permet de définir le rapport comme limite de rationnels et étend encore le champ des nombres. La cohérence des approches est approfondie dans l'application de l'algèbre à la géométrie. Le calcul infinitésimal est fondé sur la notion de limite, sans recours aux infinitésimaux et s'appuyant sur la loi de continuité dont il donne les principes. Il est étendu aux fonctions de plusieurs variables, se dégageant de l'ambiguïté de la notion de quantités qui recouvrait nombres et grandeurs. Les traités de Lacroix sont parmi les tous premiers à être fondés sur une théorie des nombres purement abstraite, certes incomplète, mais qui ouvre la voie aux avancées du xixe siècle.
S.F. Lacroix, théorie des nombres, nombres et algèbre, nombres et géométrie, nombres algébriques, enseignement mathématique français à la fin du xviii<sup>e</sup> siècle