Espaces de modules de tores plats et fonctions hypergéométriques elliptiques
Moduli spaces of flat tori and elliptic hypergeometric functions
Anglais
En genre 1, nous rendons explicites certaines constructions de Veech sur les surfaces plates et généralisons des résultats géométriques de Thurston sur les espaces de modules de sphères plates ainsi que des résultats équivalents de Deligne et Mostow, d’une nature analytico-cohomologique, qui concernent la monodromie des fonctions hypergéométriques d’Appell-Lauricella.
Dans un papier jumeau, nous reprenions l’approche de Thurston et étudiions les espaces de modules de tores plats avec des singularités coniques et à l’holonomie prescrite via des méthodes géométriques obtenues au moyen d’opérations de chirurgie faites sur les surfaces plates considérées. Dans le présent mémoire, nous étudions les même objets mais en utilisant des méthodes analytiques et cohomologiques, davantage dans l’esprit de l’article de Deligne et Mostow.
Notre point de départ est une formule explicite pour les métriques plates avec des singularités coniques sur les courbes elliptiques, en termes de fonctions thêta. On en déduit une description explicite du feuilletage de Veech: au niveau de l’espace de Torelli des courbes elliptiques avec $n$ points marqués, il est défini par une intégrale première affine explicite. Cela nous permet de déterminer exactement quelles sont les feuilles du feuilletage de Veech qui sont des sous-variétés fermées de l’espace de module $\mathscr{M}_{1,n}$ des courbes elliptiques avec $n$ points marqués. Nous donnons aussi une expression locale explicite, en termes d’intégrales hypergéométriques elliptiques, de l’application de Veech qui permet de définir une structure hyperbolique complexe sur une feuille donnée.
On se concentre alors sur le cas $ n=2$ : dans cette situation, le feuilletage de Veech ne dépend pas des valeurs des angles coniques des tores plats considérés. De plus, une feuille qui est une sous-variété fermée de ${\mathscr M}_{1,2}$ est en fait algébrique et isomorphe à une courbe modulaire $ Y_1(N)$ pour un certain entier $N\geq 2$. Dans le cas particulier considéré, les feuilles du feuilletage de Veech sont des $\mathbb{C} \mathbb{H}^1$-courbes. En spécialisant certains résultats de Mano et Watanabe, nous rendons explicite l’équation différentielle Schwarzienne que satisfait la $ \mathbb C\mathbb H^1$-développante d’une feuille et utilisons cela pour établir que les complétions métriques des feuilles algébriques sont des conifoldes hyperboliques complexes qui sont obtenues en rajoutant à $ Y_1(N)$ certains de ses cusps. De plus, nous calculons explicitement l’angle conifolde en chaque cusp $ \mathfrak c\in X_1(N)$, cet angle étant nul (i.e., $ \mathfrak c$ est un cusp au sens ordinaire) exactement quand il n’appartient pas à la complétion métrique de la feuille algébrique considérée.
Dans le dernier chapitre de ce mémoire, nous discutons de plusieurs aspects des objets considérés auparavant, tels que: certains cas particuliers qui sont explicités encore davantage, certains liens avec les fonctions hypergéométriques classiques dans les cas les plus simples. Nous expliquons comment calculer explicitement la $ \mathbb C\mathbb H^1$-holonomie d’une feuille algébrique donnée, ce qui est important en vue de déterminer quand l’image d’une telle holonomie est un réseau de $ {\rm Aut}(\mathbb C\mathbb H^1) \simeq {\rm PSL}(2,\mathbb R)$. Enfin, nous calculons le volume hyperbolique de certaines feuilles algébriques du feuilletage de Veech et utilisons cela pour obtenir une formule explicite pour le volume de Veech de l’espace de module $ \mathscr M_{1,2}$. En particulier, nous montrons que ce volume est fini, comme conjecturé par Veech.
Deux appendices viennent terminer ce mémoire. Le premier consiste en une introduction courte et élémentaire à la notion de $ \mathbb C\mathbb H^1$-conifolde. Le second appendice est dévolu à l’étude de la connexion de Gauss-Manin associée à notre problème: on en donne tout d’abord un traitement général détaillé avant de considérer plus spécifiquement le cas des courbes elliptiques $n$-épointées, cas qui est rendu complètement explicite lorsque $ n=2$.